L’Arpège Paris – le règne végétal d’Alain Passard

Salade de betterave et de navet

Un déjeuner d’été dans une ville désertée et silencieuse. Une chance d’être transportée dans l’univers de l’Arpège, le restaurant d’Alain Passard triplement étoilé depuis plus de quinze ans, mondialement connu pour ses créations principalement végétales (le chef ayant renoncé à jamais à cuisiner la viande rouge).

Lors de ce repas composé de dix sept plats (menu changeant quotidiennement), les couleurs chatoyantes des précieux légumes cultivés sans produits chimiques dans ses  potagers ont défilé sous nos yeux ébaubis, car le chef a l’air d’esquisser pour passion l’art de la composition visuelle, chaque assiette étant une peinture miniature. Mais pas seulement. Passard recherche, va toujours plus loin dans ses expérimentations, usant une parfaite technicité (maîtrise soufflante de la cuisson et plus particulièrement de la rôtisserie), il travaille ses légumes dans toutes les directions possibles, testant dans ses potagers- laboratoires de nouvelles  variétés, leur donnant le faste qu’ils n’ont jamais eu, souvent même avec humour et facétie (comment transformer des navets, carottes et une simple semoule en un plat ultra facetté et sophistiqué? réponse: légumes des jardins en robe des champs multicolore Arlequin).

Gaspacho de tomates fraîches, glace à la crème fraîche et moutarde fine
Oeuf à la coque chaud-froid, vinaigre de xérès et sirop d'érable
Navets glacés au poivre de Sichuan
Fines ravioles fleuries aux herbes, légumes et consommé ambré de tomate pimentée

Le repas fut assez inégal, alternant le magistral (sublimes ravioles fleuries aux herbes et légumes, homard et poule à la cuisson si rarement juste, étonnante tarte aux pommes bouton de rose où chaque bouchée est unique car confectionnée avec une pomme différente) et le tout simple un peu décevant (partiellement justifié car comme « les jardins furent généreux ce matin », dixit le chef lui-même, des plats improvisés et assez élémentaires en sus nous ont été  servis).

Légumes des jardins en robe des champs multicolore Arlequin, semoule à l'huile d'argan
Ecailles ou plumes…nous avons eu les deux… ici aiguillettes de homard des îles Chausey à la laitue mi-cuite tendre et croquante
Ecailles ou plumes…nous avons eu les deux… ici la poule cuite en son foin au thé matcha et petites tomates confites
Douceur sucrée des potagers: mille feuille aérien et croustillant à l'angélique et aux myrtilles fraîchement cueillies
Tarte aux pommes bouton de rose dont la recette serait brevetée...

Un Condrieu pimpant et fruité (« Le Riollement » 2007) servi par l’élégant et communicatif sommelier Gaylord Robert, peu de gens en salle, beaucoup de générosité, des jardins magnanimes, tout le temps du monde.

Moment très plaisant jusqu’à ce que la douloureuse arrive. Tout ce luxe a un prix,  d’ailleurs l’un des plus élevé de la gastronomie française ce qui fait souvent grincer des dents certains hôtes et critiques de bouche, car finalement il ne serait question que de légumes et pas de caviar. L’addition fait l’effet d’un coup de schlag, alors qu’on est encore tout attendri par les mets et anesthésié des contingences du monde. Mis à part ce réveil violent, rien n’est regret, bien au contraire.  A vous de juger en somme si cela en « vaut » la peine…

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